Art, pedagogy

Digital and traditional art creations


Fond gris neutre :
J’insiste auprès de mes élèves pour qu’ils « bloquent » le blanc, c’est-à-dire qu’ils fassent disparaître toute trace du fond blanc de la toile à peindre, enduite et préparée. La réaction de ceux-ci est toujours, pour moi, une source d’amusement et d’étonnement : rébellion amusée, dégout affichée de cette valeur triste et morne portant le deuil de la couleur. Je subis donc douce moquerie et gentils quolibets. Mais l’exécution suit le conseil. « Bien Maître ! » dois-je entendre, proféré du coin relevé d’une bouche amusée accompagnée de l’éclair d’yeux humides et goguenards. Je couve alors mes étudiants d’un regard de mère-poule lorsque ceux-ci barbouillent, à grands coups de pinceaux plats, la toile blanche avec cette teinte si réprouvée. « N’oubliez pas d’y mettre une noix de bleu primaire pour refroidir cette teinte. Mais pas de bleu layette. Ainsi va notre monde à l’atelier, gris au commencement et éclatant de couleurs à la fin.

Peinture acrylique.
Pour la peinture acrylique, le plus difficile est de peindre dans le frais. Pour cela, il vous faut conserver sur votre palette les tons ou couleurs suffisamment humides et crémeux.
Je vous conseille donc ceci : en tout premier, l’achat d’une palette rigide, blanche et suffisamment grande. Puis de pinceaux rigides en soies de porc, poils d’oreille de bœuf ou biquette chinoise. En fin muni de ces outils, il vous faut déposer sur la palette une ou des noix de pates de couleurs en quantité suffisante pour réussir l’exercice. Une fois la couleur déposée, puisez l’eau à l’aide votre pinceau en polis durs pour bien broyer et mélanger ladite pate qui doit être opaque, mousseuse et saturée en eau. Un reflet brillant vous montre que l’eau est en quantité suffisante pour en maintenir l’humidité et la plasticité. Faites cependant attention à ne pas incliner trop votre palette. Gare aux coulures. Ainsi vous pourrez travailler les passages en les mêlant les uns aux autres avec subtilités.

Travail d’après le modèle vivant :
C’est une démarche ambiguë. Cela ne doit pas être une copie stérile et sans risque mais une sublimation et la base d’un travail d’imagination et de recréation. La tentation est grande d’éviter toute exposition, toute hardiesse et tout dévoilement pour ne se réfugier que dans la copie directe et scolaire du modèle et de son corps. La censure de la personnalité, de la sensibilité et de l’émotion, la répression du désir ne doivent absolument pas marquer ou entraver le crissement du trait de crayon ou la caresse du pinceau sur le support. Se dégager de la contrainte de plaire, de séduire et donc de coller à la ressemblance photographique, se laisser aller et lâcher le contrôle face à un autre corps, corps nu, jeune ou vieux, beau ou moins beau, sans que le regard ne s’embue ni de rejet ni d’interdits. Débrancher le mental pour ne laisser parler que les sens, en prise directe sur la main. Le dessin de nu est comme un carton à dessin vieillot, largement abimé aux coins et maculé sur sa surface de graffitis obscènes ou de sentences distanciées et castrées, qui renferme aussi bien les académies d’hommes aux allures martiales et un tantinet homo-érotiques que les puissants linéaments féminins du crayon de Matisse, les lignes frisées d’Egon Schiele, que la chair poupée d’Ingres, les muscles boursouflés de Michel-Ange ou la peau couleur de nougat de Renoir. Tout est là, toute la recherche de l’amour, du plaisir et la présence du désir, caché ou canalisé par souci d’économie et de peur.



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